Le paysage agricole allemand traverse actuellement une période tumultueuse, marquée par des grèves, des manifestations et des frustrations croissantes. Les agriculteurs font face à une lutte permanente contre les politiques gouvernementales ainsi qu’aux répercussions des inondations récentes.
Le président de l’Union des agriculteurs allemands, Joachim Rukwid, a lancé un appel à la grève nationale à partir du 8 janvier pour manifester contre la suppression des aides financières initialement prévues pour les agriculteurs. La décision du gouvernement de réduire les subventions pour le diesel et les bénéfices fiscaux pour les véhicules agricoles a suscité l’indignation des agriculteurs, ce qui a conduit à des manifestations de grande ampleur à Berlin et dans d’autres villes allemandes.
Les inondations récentes, en particulier dans les régions du nord depuis le 23 décembre, ont exacerbé les tensions. Alors que les pompiers et les institutions concernées travaillent sans relâche pour entretenir les barrages et contrôler les inondations, les agriculteurs font face non seulement aux menaces immédiates sur leurs récoltes, mais aussi aux conséquences à long terme pour leurs exploitations. Bien que la situation se détende avec le gel actuel, le fardeau demeure tangible, symbolisé par les routes bloquées par des centaines de tracteurs dans de nombreuses villes allemandes.
Une pression accrue sur les agriculteurs allemands est-elle la solution ?
Si la nécessité de réduire les émissions de carbone et d’abandonner les combustibles fossiles est indéniable (le secteur agricole du pays a été responsable de 55,5 millions de tonnes métriques d’émissions de gaz à effet de serre l’année dernière, soit environ 7,4 % du total du pays), une question se pose : la solution consiste-t-elle vraiment à accroître la pression sur les agriculteurs? L’idée du gouvernement de supprimer les allègements fiscaux et les subventions aurait pu constituer une menace importante pour la stabilité financière des agriculteurs et la compétitivité du secteur agricole allemand. Les grèves et les manifestations prévues reflètent les profondes inquiétudes de la communauté agricole face à ces mesures d’austérité et se sont étendues à d’autres sujets tels que l’augmentation des réglementations.
Sönke, producteur de patates douces biologiques chez CrowdFarming, exprime sur les réseaux sociaux la frustration collective qui s’est accumulée au fil des années. Il met l’accent sur un point particulier, à savoir l’obligation pour les agriculteurs de réserver 4 % de leurs terres arables à la protection des espèces à partir de 2023. Tout en reconnaissant l’importance de la conservation, il souligne l’absence de compensation financière suffisante pour la perte de rendement. Sönke, comme beaucoup d’autres, est également troublé par l’augmentation de la charge de travail, illustrée par le fait que les agriculteurs sont chargés d’effectuer eux-mêmes des inspections sur le terrain par le biais d’applications et de missions photographiques.
Les agriculteurs allemands ont fait valoir que l’augmentation de la pression financière et réglementaire causé par l’élimination des subventions pourrait signifier la fin de nombreuses petites exploitations familiales à travers le pays. Il est essentiel de reconnaître que si nous mettons fin à l’agriculture allemande, les exportations de l’étranger ne pourront être facilitées que par les combustibles fossiles, puisqu’il n’existe pas d’alternative réelle.
L’augmentation des prix pour tenter de faire face à la hausse des coûts et aux conditions météorologiques extrêmes

Contrairement à l’idée répandue selon laquelle la hausse des prix des denrées alimentaires profite aux agriculteurs, ces derniers ne bénéficient pas actuellement de ces augmentations. Les prix ont augmenté en raison de la baisse des récoltes et de l’augmentation des coûts opérationnels et logistiques au sein de la chaîne d’approvisionnement.
Manuela, de Vulkanhof, productrice laitière à CrowdFarming, plaide pour des prix de production équitables et stables, car les agriculteurs devraient compter davantage sur leur production que sur les subventions. Manuela apprécie les initiatives telles que CrowdFarming, où les ventes directes permettent à une plus grande partie du paiement du consommateur d’atteindre l’agriculteur, contribuant ainsi à la stabilité des revenus agricoles.
Il est crucial que les consommateurs soutiennent activement l’agriculture biologique et régénérative, évitant ainsi des solutions moins coûteuses mais potentiellement dommageables pour l’environnement et les producteurs.
L’intersection des préoccupations environnementales et économiques

Les réductions de subventions proposées auraient eu pour objectif non seulement de relever les défis économiques, mais aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole. Et c’est là que réside le défi : nous avons créé un système de subventions au niveau européen qui sert de moyen facile de sortir d’un système défaillant. Mais les subventions sans plan de transition adéquat ne font que couvrir le problème jusqu’à ce que nous ne puissions plus compter sur elles, et le problème revient alors à la surface.
De nombreux chercheurs en agriculture et en politique appellent depuis longtemps à une restructuration du système de subventions agricoles. Par exemple, le plan de politique agricole en six points de l’Arbeitsgemeinschaft bäuerliche Landwirtschaft (ou « Association de l’agriculture paysanne ») préconise des négociations de prix équitables, un soutien au bien-être des animaux et une redistribution des subventions pour renforcer les petites et moyennes exploitations.
Notre objectif, à travers cet article, est de présenter une perspective objective sur les défis auxquels sont confrontés les agriculteurs allemands alors qu’ils naviguent entre les protestations, les demandes politiques et les impacts des conditions météorologiques extrêmes, mais, nous voulons aussi souligner le besoin pressant d’une approche collaborative afin de faire la transition vers une chaîne agroalimentaire durable et équitable. Nous espérons que le gouvernement, les groupes de défense de l’environnement, les agriculteurs et les autres acteurs clés de l’approvisionnement agroalimentaire profiteront de cette occasion pour se réunir et trouver un terrain d’entente qui garantira la prospérité du secteur agricole tout en faisant progresser les objectifs de durabilité du pays.
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